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Vincent De Haître : « La chose la plus difficile que j’ai faite, c’est d’être retourné au patinage de vitesse après trois ans de cyclisme »

Après avoir battu le record du Canada de la poursuite par équipe masculine en cyclisme sur piste lors des Jeux Olympiques de Tokyo 2020, Vincent De Haître s’apprête à tenter ce qui semble impossible pour beaucoup : se qualifier pour les Jeux Olympiques d’hiver en Beijing 2022 en patinage de vitesse. Olympics.com s’est entretenu avec ce maestro des sports d’été et d’hiver. Il nous parle de ses accomplissements passés et de ce qui le pousse à s’améliorer au quotidien.

Deux semaines.

C’est le temps qu’a pris Vincent De Haître pour se reposer entre son retour des Jeux de Tokyo 2020, en 2021, durant lesquels il a battu le record du Canada de poursuite par équipe masculine en cyclisme sur piste et le début de sa préparation pour les Jeux Olympiques d’hiver de Beijing 2022 en patinage de vitesse.

Autant dire quasiment rien, au regard de l’effort herculéen qu’il a dû fournir durant les Jeux d’été en tant que premier relayeur du relais masculin canadien de cyclisme sur piste. De Haître et son équipe ont décroché une 5e place, soit le meilleur résultat de la nation depuis des décennies.

Mais pour De Haître, qui a toujours une œil rivé sur le futur, et avec seulement six mois entre les deux événements, il n’y avait pas de temps à perdre dans sa quête d’un doublé historique Jeux d’été/Jeux d’hiver.

Bien entendu, ce n’est pas la première fois qu’un sportif participe aux deux versions des Jeux Olympiques. D’aucuns jadis, ont même doublé lorsque les Jeux d’été et d’hiver se déroulaient dans la même année.

Mais jamais depuis 1992, dernière année durant laquelle les deux éditions olympiques se sont déroulées la même année à Barcelone et Albertville, le temps qui sépare les deux événements n’a été aussi court. De la même manière, jamais les olympiades n’ont été aussi perturbées et entrecoupées que celles que viennent de vivre les sportifs en préparation pour Tokyo et Pékin.

À la poursuite de l’invraisemblable

Sur le papier, il semple presque impossible pour De Haître de faire la transition entre ces deux sports aussi différents en seulement 180 jours. Le Canadien doit réactiver sa mémoire musculaire après trois années d’entraînements intensifs de cyclisme qui le préparaient pour les Jeux de Tokyo 2020, et surtout se re-concentrer après avoir été obnubilé par un autre objectif.

Mais De Haître est différent. Il s’attaque toujours aux nouveaux challenges sans vraiment prendre le temps de savourer l’exploit du dernier.

« J’ai vu une interview de l’un de mes entraîneurs qui disait, « Oh oui, il [De Haître] est très égocentrique »», explique l’athlète de 27 ans lors d’une interview exclusive avec Olympics.com.

« Au début je me suis dit « Oh, c’est plutôt méchant ». Mais ce qu’il entendait par là, c’est que ce qui me motive c’est de pouvoir dire que j’ai réussi ce que j’ai entrepris. Résoudre des problèmes est un challenge qui nourri énormément ma motivation. »

Une seule destination, plusieurs chemins pour s’y rendre

Lorsque vous essayez d’accomplir quelque chose que beaucoup de sportifs considèrent comme complètement impossible, vous ne pouvez rien laisser au hasard.

Et de toute façon, pour De Haître, ce n’était pas une option.

Organiser son temps pour réaliser un tel rêve est une affaire de planification et aussi d’une faculté accrue à établir des scénarios, du plus parfait au plus catastrophe : plan A, plan B, plan C auxquels il faut intégrer tous les miracles ou situations cauchemardesques possibles pour un sportif.

Pour le Canadien, le scénario idéal le projette dans l’avion direction Pékin après avoir gagné sa place lors des essais olympiques canadiens qui se déroulent mi-octobre à Calgary. Mais avec aussi peu de temps de préparation et des ordres stricts du médecin de ne pas reprendre l’entraînement à haute intensité pour éviter les blessures, De Haître ne se fait pas d’illusion sur le fait qu’il devra se créer son propre chemin vers les Jeux.

« J’espère que je pourrai recommencer à faire des courses de manière normale d’ici les essais olympiques dans deux semaines », a déclaré le natif d’Ottawa qui a déjà représenté son pays en patinage de vitesse à Sotchi 2014 et PyeongChang 2018.

« Dans le pire des cas, si cela ne se passe pas bien, il y a un deuxième événement qualificatif en décembre. Cela me permettrait d’avoir deux fois plus de temps [pour se qualifier]. »

« Dans le scénario idéal, j’aimerais avoir une place dans l’équipe nationale qui se rend aux Coupes du monde et donc me qualifier en étant dans le top 4 ou le top 5 lors des sélections canadiennes, puis aller aux Coupes du monde en Pologne, en Norvège, à Calgary et à Salt Lake City. »

« Et de là, si je peux être dans le top 3 aux qualifications et faire des top 5 ou top 8 en Coupe du monde, une situation qui me permettrait de me qualifier pour les Jeux, ce serait l’idéal. »

« Bien entendu, il est possible que je ne me qualifie pas du tout pour les Jeux Olympiques. C’est une possibilité… »

C’est à ce moment de l’interview que Vincent De Haître a dévoilé les scénarios qui le mèneront vers le succès de son rêve ultime. Mais pas un rêve irréaliste, non, un rêve calculé en fonction des statistiques, de l’histoire et de la conscience de ses capacités.

« Je sais à quel point le Canada est une nation forte et sur la base des résultats de notre pays, je peux dire sans trop me mouiller que si un athlète canadien se qualifie pour aller aux Jeux Olympiques, il se qualifie dans un groupe capable de se classer dans le top 10 ou le top 5 des Jeux, si ce n’est de remporter une médaille. »

La chose la plus difficile à faire

Quand De Haître était plus jeune, quelqu’un lui a demandé en le voyant sur un vélo s’il s’imaginait un jour aux Jeux Olympiques en cyclisme. Sa réponse avait alors été très révélatrice : « Je ne fais du vélo que pour m’amuser. Je suis patineur de vitesse. »

En fin de compte, il rêvait tout de même de devenir un cycliste, mais dans un pays comme le canada, où les sports d’hiver sont si profondément ancrés dans la culture, le chemin pour devenir patineur de vitesse professionnel semblait plus évident.

« J’ai toujours aimé faire du vélo », confie-t-il. « C’est juste que je n’y ai pas vu la même trajectoire. Je suis dans le patinage de vitesse depuis si longtemps que je connais chaque étape, chaque prochain palier et je sais comment fonctionne l’équipe nationale. Alors qu’en cyclisme, j’ai été tellement irrégulier dans ma pratique que je n’ai pas une vision aussi claire des choses. »

« Je me sens plus « comme à la maison » en patinage de vitesse, mais cela ne veut pas dire que je suis moins passionné par le cyclisme. »

Toujours avec son esprit d’anticipation, De Haître a choisi d’intégrer l’équipe nationale de cyclisme d’endurance plutôt que celle de cyclisme de vitesse car, « si je veux reprendre le patinage après, je vais être plus en difficulté si je reviens du sprint. »

Plus récemment, il a dû re-évaluer les bénéfices que chaque sport apporte à l’autre. Car si les deux programmes d’entraînement semblent avoir beaucoup de points communs en termes d’apports, il ne fait aucun doute que l’effort physique engagé pour passer d’une discipline à l’autre en si peu de temps et à un tel niveau n’est pas anecdotique.

Le patineur l’avoue lui-même : « Si je devais choisir la chose la plus dure que j’ai eue à faire dans ma carrière, ce serait de revenir au patinage de vitesse après trois ans et demi de cyclisme. »

Se souvenir tout en regardant vers l’avenir

De bien des manières, la quête olympique de Vincent De Haître vers Beijing 2022 est teintée d’incertitudes. Mais pour quelqu’un qui se nourrit de ses réussites passées pour aller de l’avant, il serait imprudent de parier qu’il ne réalisera pas son rêve le plus fou lors des Jeux Olympiques d’hiver en 2022.

« Je ne pense pas que ce soit impossible. N’importe qui pourrait essayer et réussir. Mais comme je n’ai pas vraiment de point de comparaison ou de connaissances qui ont fait cela et de la manière dont ils l’ont fait, pour moi c’est impressionnant. »

« Je me surprends à chaque fois que je sors et que je fais quelque chose, mais en même temps, je veux toujours mieux faire. Je suis très critique, mais je sais aussi me dire « Oui, c’était vraiment bien ». »

« Mais je me dirai aussi, « C’était vraiment bien… mais fais encore mieux. » »

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